Olivier Bellamy: Entre parenthèses Sartre il a tout piqué à Heidegger.
Rolando: C’est vrai, ça vient de là mais Heidegger et pas seulement lui, les existentialistes… mais c’est quand même une figure extraordinaire et aujourd’hui, l’existentialisme prend une importance – je ne suis pas d’accord avec tout ce que l’existentialisme raconte- je crois qu’il y a une force subconsciente que l’existentialisme nie totalement mais il y a plein de choses importantes appliquées à aujourd’hui qui nous feront mieux comme des êtres humains, parce que la philosophie, à l’origine c’était ça. C’était comment arriver à avoir une vie correcte, une vie libre de soucis, la vie correcte. Après c’est devenu la science… Il faut laisser un philosophe professionnel parler de cela…
O.: Après il faut parler de P. Domingo
R.: Alors Il faut parler du plus grand ténor
O.: Qui a commencé sa carrière au Mexique, bien qu’étant espagnol.
R.: Absolument ! d’abord il faut dire c’est le plus grand ténor de tous les temps, c’est le plus grand artiste lyrique..
O.: Plus que Pavarotti ? pour vous ?
R.: On ne peut pas. On rentre dans un côté sportif.
O.: C’est vous Rolando Villazon qui dites: "c’est le plus grand"
R.: Non ! je vous explique : l’artiste lyrique pourquoi. Pavarotti avait une technique extraordinaire, C’est un soleil de voix. Il a changé le monde de l’Opéra comme figure médiatique. Si on pense : Caruso, Callas, Pavarotti : Voilà, on a 3 divos qui sont passés au-delà du plateau et c’est l’un des plus grands de l’histoire.
Pourquoi je parle du grand Domingo comme un ténor : après et avant Domingo. Il a marqué vraiment une frontière dans le monde lyrique, c’est parce qu’il a ajouté à une musicalité extraordinaire, à une voix merveilleuse, à une façon de chanter avec l’âme et avec l’émotion à fleur de peau extraordinaire, l’aspect dramatique. Personne, comme lui ; il n’existe pas un autre artiste total comme lui .Lui il est l’artiste lyrique total ; il a amené le monde de l’Opéra dans une autre dimension.
Ma génération, heureusement, a appris beaucoup de lui et aujourd’hui, les jeunes chanteurs essaient de faire ça, de suivre la combinaison de drame, émotion, musicalité, voix, technique etc, sport… mais tout ça ensemble. Vraiment, le gagnant c’est l’Opéra. C’est grâce à Placido. Bien sûr le maestro Domingo, (on ne se tutoie pas).
O.: Il est chef d’orchestre aussi et commence une nouvelle carrière de baryton
R.: Je l’ai vu déjà comme S. Boccanegra extraordinaire. C’est un monstre sacré, c’est une carrière inégalable, c’est fantastique.
Voilà pourquoi j’ai choisi cette chanson parce que c’est grâce à ce disque de cross over, le disque "Perhaps love" et des disques comme cette chanson "My life for a song" que j’adore, "ma vie pour une chanson" que j’ai découvert la façon de chanter et la voix du grand maestro Domingo que je rêvais. A côté des rêves de clochards, je rêvais, mais c’était un rêve comme on peut rêver : je veux être président de la république. Vous voyez, c’était le rêve qu’un jour je chanterais avec lui; c’était le rêve d’un adolescent comme aujourd’hui quelqu’un peut rêver de chanter à côté de Lady Gaga… je ne sais pas!
O.: Et quand c’est arrivé ?
R.: 17 années après, voilà je chante à côté du grand maestro. Mais c’était fou. Je pense à ça et je dis : Non ! je crois que c’est un rêve encore. Quelqu’un est en train d’écrire mon histoire, non...je suis un personnage ; ça veut dire que vous aussi, vous êtes un personnage. Ah quelle horreur !!! ...rires….
C’est mon inspiration ; il est devenu un plus. C’est le plus grand cadeau, parce que je peux vous dire qu’à part le grand artiste dont je viens de parler il est un grand être humain, il est un grand ami. Dans les moments de grand succès de ma carrière, il était présent ; dans les moments les plus difficiles de ma carrière, il était surtout là, il était très présent, et c’est cette chaleur et cette amitié qui sont le plus grand cadeau de cette histoire.
O.: Est-ce que la définition d’un artiste, vous l’avez un petit peu dit tout à l’heure, est-ce que la définition d’un artiste ce n’est pas quelqu’un qui trouve la vérité dans l’art, qu’il ne trouve pas justement dans la vie réelle ?
R.: C’est fort… Essayer de trouver la vérité, et surtout dans l’art. Platon ne serait pas d’accord…Selon Platon les poètes et surtout les peintres sont les plus éloignés de la vérité, de l’idée pure… En plus, il faut dire, moi je suis un artiste interprète, parce que les artistes créateurs…
O.: Est-ce que vous vous sentez plus vivant, plus proche de votre centre intime quand vous êtes sur une scène et dans un personnage que dans la vie ?
R.: Non… parce que quand je suis un personnage, je joue comme les enfants jouent avec la même concentration et sérieux, et avec ce sérieux je joue également, je me régale et pendant les répétitions, c’est un travail extraordinaire ; c’est une recherche oui, parce que je crois que l’artiste a l’opportunité de se demander des choses que peut-être quelqu’un qui n’est pas un artiste ne se le demande pas tout de suite. Cela ne veut pas dire qu’il n’y a pas des artistes qui ne se demandent rien et des gens qui ne sont pas des artistes et qui se demandent beaucoup.
C’est la réalité ; mais l’artiste joue et a présente dans sa vie, tout le temps, l’opportunité d’aller plus loin, plus profond et je crois qu’il faut prendre cette responsabilité et qu’il faut jouer comme ça.
Est-ce qu’on cherche la vérité ? Je crois qu’on cherche les émotions à travers la beauté. Aujourd’hui, ça change. Il y a des artistes contemporains qui pourraient dire : oui, on cherche peut-être des émotions même à travers le contraire, la laideur, parce qu’il y a des expositions et des installations qui cherchent exprès ça et la littérature est passée par cela. Je crois que la musique, l’intellectualisme dans la musique, beaucoup de musique contemporaine peut être trop intellectuelle et c’est difficile de trouver les émotions dedans, mais on trouve autre chose : le rationalisme etc.
Est-ce que la vérité est associée aux émotions ? je ne sais pas. La vérité ce serait plutôt associée à la raison, mais c’est, je crois, le Père de D. Copperfield de C. Dickens, qui dit "je préfère un cœur plein de bonté qu’un cerveau plein de sagesse"
O.: Quand on allie les 2, voilà ce que cela donne.
(Tchaikovski interprété par I. Stern)
O.: Deux grands monstres sacrés : Stern, Bernstein
R.: Incroyable ! et Tchaikovski...C’est un compositeur extraordinaire. Quand je pense à Tchaikovski, je pense à notre grand maestro qui a une influence extraordinaire dans ma vie et dans ma carrière, comme artiste et comme ami, Daniel Barenboim avec qui j’ai chanté Eugene Onegin, qui est un de mes opéras préférés. J’ai eu la chance dans cette production parce que je reste tout le temps sur scène, en face de lui, donc j’ai l’opportunité de le regarder pendant les 3 heures et demi, comme il dirige, comme il est en train de créer, de faire revivre cette musique, ce compositeur qui est absolument bouleversant.
O.: Daniel Barenboim c’est non seulement un grand musicien mais aussi un philosophe de la musique. Est-ce que vous parlez aussi beaucoup ? Vous parlez de musique quand vous vous voyez mais de plein d’autres choses
R.: Oui.. on parle beaucoup, on est très amis, j’apprends beaucoup de lui. J’ai lu ses livres parce que je crois que tout jeune musicien et chanteur devraient lire ses livres. Je crois qu’il a une position aussi assez intéressante dans notre monde, avec son projet West-Eastern Divan, mais toute sa vie, c’était une préoccupation réelle de ne pas être seulement un article de luxe dans le monde artistique mais un homme qui a un intérêt dans le monde où il habite et qui a un message à dire, un message de paix, un message positif, un message de dialogue .Il est le grand philosophe de la musique. C’est un plaisir de lui parler ; en plus il est très drôle. On se raconte beaucoup de blagues, on rit beaucoup, on s’amuse beaucoup. Quand je lui ai raconté que j’étais en train de lire beaucoup de livres de philosophie, il était super content et m’a dit il faut lire ça et ça. Il adore Spinoza et cela a une grande influence dans sa vie. Le regarder dans une répétition, c’est déjà une leçon pas seulement artistique, mais une leçon de vie : comme il communique avec ses musiciens, la façon d’un leader de devenir un comme les autres et en même temps de ne pas perdre la direction, l’idée musicale. Quand on est dans les mains de quelqu’un comme ça, il faut tout simplement suivre sa direction. Mais c’est quelqu’un qui est quand même très respectueux des gens avec lesquels il travaille. C’est quelqu’un qui demande toujours à l’artiste, n’importe où est l’artiste : cela peut être un jeune chanteur qui commence –"Comment tu te sens, c’est quoi ton idée?" - "Moi je voudrais faire ça."
Je me souviens : "Maestro, c’est quoi le tempo ?" Il a souri : "on va le découvrir, non ? on va voir le tempo que l’on va trouver nous deux"
transcripción: Catherine et Danièle
transcripción: Catherine et Danièle
Rolando toujours passionnant, intarissable, un vrai bonheur de l'écouter parler.
RépondreSupprimerThank you so much for the transcription, Catherine et Danièle, and Teresa for the post.
RépondreSupprimerWhat a entertaining jaunt through the history of western thought without an once of pedantry. Everything is a resource to him, a piece of this ever-evolving puzzle. He makes me think of Joyce's Stephen Dedalus in "Portrait of the Artist as a Young Man" whose dream is to "forge in the smithy of my soul the uncreated conscience of my race." Combine that with the original Daedalus' desire for flight and you have to conclude that Joyce was actually writing about Rolando all along.
Rolando, I'll meet you at the coffee shop around the corner to talk about this, say in half an hour?
Vaya Joanna, siempre sorprendente. Te aseguro que Rolando perderá mucho si no acude a ese Cafe. Desde el éxito de Rolando en La Scala, el terrible culto a la personalidad de Rolando ha escalado a niveles de Secta Mesianica. Yo no veo en Rolando a una persona más divertida, inteligente e interesante que algun@s de ustedes. El hecho de intercambiar mensajes con ustedes es, junto con su arte el regalo más grande que me ha dado Rolando Villazón. Creo que esta comunidad pierde mucho inclinandose hacia el "Rolandismo" cuando hay tanto que compartir entre nosotros.
RépondreSupprimerCreo que a partir de ahora voy a abrir el BLOG AGENTEGDLISTA.
RépondreSupprimerAgenteGDL, the Iconoclast of Guadalajara! (Or do you already have a wrestling name?) OK, I'm obviously trying to butter Rolando up so he'll come and have coffee with me. And after all that flattery, he didn't even bother to show up! How do you like that? Seems that he had better things to do at La Scala than talk to the likes of me. No more flattery for you, Rolando!
RépondreSupprimerAnd, yes, there are some very interesting people who frequent this blog. Real personalities. :-)
Viva Rolando! Viva El Blog AGENTEGDLISTA!
Jajaja no suena mal, sería ideal para mi Ego; pero creo que deberiamos de aprovechar el lugar para ser abiertos, imaginativos, generosos y divertidos. Creo que seguir su ejemplo es la mejor manera de honrar su aporte a nuestras vidas.
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