La ópera es una manifestación de lo no-dicho
ROLANDO VILLAZÓN
Todo ser humano tiene su "no-dichos". Cuando un director crea un espectáculo, debe interesarse por la personalidad completa de sus personajes, incluyendo sus "no-dichos". La función del teatro es ir al encuentro de este lenguaje subconsciente del ser humano, y permitir al público comprender el lenguaje secreto de los personajes. El ser humano está encerrado en la camisa de fuerza de muchas normas específicas que no acaba de comprender. Me encanta ver metáforas en escena. Hoy, con la imagen, el cine, la fotografía, se puede ofrecer la ilusión de una visión natural de las cosas, pero se debe evitar limitarse a una visión de museo: un resultado probablemente muy agradable, pero que no llega al fondo de las cosas.
Yo abordo ahora la puesta en escena para poner en práctica mis ideas, no para estar en el terreno del entretenimiento. La ópera tiene que hablarnos acerca de la tragedia humana y de nuestra relación con la sociedad. Para ello, debe trascender la anécdota y recrear la ilusión de un encuentro con la verdad de los personajes que se atreva a romper las barreras que nos impiden entrar en las mentes de las personas. Esto es algo que un escritor consigue tan fácilmente como se desliza la mano en un guante. El papel de la puesta en escena es la de investir a los protagonistas en reacción a un universo específico que se convierte en una especie de espejo de su personaje. Pero un espejo que estaría un poco roto y, a través de sus fisuras, dejaría entrever otra dimensión de su personalidad, para descubrir dentro de sí su verdadera realidad. Todos los personajes de Werther tienen una dimensión de incomprensibilidad. Charlotte es todavía una niña cuando pierde a su madre, pero, en ese momento, ella se convierte en una madre para sus hermanos y hermanas y en una esposa cuando ella promete a su madre casarse con Albert, Albert que ella encuentra más bien simpático. Pero ella no sabe nada del amor hasta que se siente atraída por este ser extraño que es Werther. Alguien muy atormentado, muy interiorizado, a quien ella puede verdaderamente aportar algo. Su buena educación le impide el desarrollo de este amor que se siente incapaz de rechazar.
Werther está, por su parte, igualmente sobrepasado por lo que le sucede. Su amor penetra en todo su ser y lo transforma en profundidad. Él sabe que esta pasión es socialmente imposible y que la sociedad le obliga a rechazarlo. Pero no puede renunciar porque sería negarse a sí mismo. Todos los personajes se forjan así una caparazón que les permite tomar decisiones que ellos no pueden asumir: el Alguacil que quiere obligarse a no unirse a sus amigos en la taberna, mientras que se está muere de envidia, Sophie disimula mal los celos que emergen de su amor naciente y Albert que mantiene la apariencia de un hombre sabio, cuando los celos le corroen. Una fuerza implacable se apodera de los personajes, sin que ellos sepan de donde proviene. Ella revela a la vez las profundidades de su ser y de la sociedad que les rodea. La verdadera libertad humana es poder luchar contra este determinismo. Frente a él, la ópera se convierte en una tragedia de lo cotidiano, una especie de tragedia griega que no ha perdido nada de su fatalidad, pero donde el destino golpea por igual a los dioses o a los héroes. Los mitos están siempre presentes, pero no dejan espacio a los dioses. El mito continúa representando la parte de la realidad incomprensible de los hombres: se impone entonces a través de las imágenes, se convierte en teatro y da a luz a la ópera.
ROLANDO VILLAZÓN
Entrevista con Serge Martin, noviembre 2010
L’opéra est un révélateur du non-dit
Chaque être humain a ses non-dits. Quand un metteur en scène monte un spectacle, il doit s’intéresser à la personnalité complète de ses personnages, y compris leurs non-dits. Le théâtre a pour fonction de partir à la rencontre de ce langage subconscient de l’être humain, et de permettre au public de saisir le langage secret des personnages. L’être humain est enfermé dans le carcan de nombreuses règles spécifiques qu’il ne comprend pas vraiment. J’adore voir des métaphores sur scène. Aujourd’hui avec l’image, le cinéma, la photo, on peut donner l’illusion d’une vision naturelle des choses mais il faut éviter de se cantonner à une vision de musée : un résultat sans doute très beau mais qui ne va pas au fond des choses.
Si j’aborde aujourd’hui la mise en scène, c’est pour mettre en pratique mes idées, pas pour rester dans le domaine du divertissement. L’opéra doit nous parler du drame humain et de notre rapport à la société. Pour cela, il doit transcender l’anecdote et recréer l’illusion d’une rencontre avec la vérité des personnages qui oserait casser les barrières qui nous empêchent de rentrer dans l’esprit des gens. C’est quelque chose qu’un écrivain réalise aussi facilement que l’on glisse une main dans un gant. Le rôle de la mise en scène est d’investir les protagonistes en réaction à un univers spécifique qui devienne une sorte de miroir de leur personnage. Mais un miroir qui serait un peu cassé et qui, à travers ses brisures, laisserait transparaître une autre dimension de leur personnalité, pour découvrir à l’intérieur d’eux-mêmes leur vraie réalité. Tous les personnages de Werther ont une dimension d’incompréhensibilité. Charlotte est encore une jeune fille quand elle perd sa mère mais, dans l’instant, elle devient mère pour ses frères et soeurs et femme quand elle promet à sa mère d’épouser Albert, Albert qu’elle trouve plutôt sympathique. Mais elle ne sait rien de l’amour jusqu’à ce qu’elle soit attirée par cet être étrange qu’est Werther. Quelqu’un de très tourmenté, de très intérieur à qui elle peut vraiment apporter quelque chose. Sa bonne éducation l’empêche de concevoir cet amour qu’elle sent ne pas pouvoir refuser.
Werther est, pour sa part, tout aussi dépassé par ce qui lui arrive. Son amour le pénètre dans tout son être et le transforme en profondeur. Il sait que cette passion est socialement impossible et que la société l’oblige à la rejeter. Mais il ne peut s’y résigner car ce serait se nier lui-même. Tous les personnages se forgent ainsi une carapace qui leur permet de prendre des résolutions qu’ils ne peuvent pas tenir : le Bailli qui veut s’imposer de ne pas aller rejoindre ses copains à l’estaminet alors qu’il en meurt d’envie, Sophie qui dissimule mal la jalousie qui émerge de son amour naissant et Albert qui garde l’apparence d’un homme sage quand la jalousie le démange. Une force impitoyable saisit les personnages sans qu’ils en connaissent la provenance. Elle relève à la fois des profondeurs de leur être et de la société qui les entoure. La vraie liberté de l’homme est de pouvoir lutter contre ce déterminisme. Face à lui, l’opéra devient une tragédie du quotidien, une sorte de tragédie grecque qui n’a rien perdu de sa fatalité mais où le destin ne frappe plus des dieux ou des héros. Les mythes sont toujours présents mais ils ne mettent plus en scène les dieux. Le mythe continue à représenter la part de réalité incompréhensible des hommes: celle-ci s’impose alors par des images, elle devient du théâtre et donne naissance à l’opéra.
ROLANDO VILLAZÓN
Entretien avec Serge Martin, novembre 2010
Las imágenes de este post corresponden a los bocetos para la escenografía de Werther,
de François Séguin, y proceden de la web de la Opéra de Lyon.
de François Séguin, y proceden de la web de la Opéra de Lyon.